ESCAPADE À LA CAMPAGNE

Je regardais passer les parapluies devant la vitrine de la laverie. Bleu, parme, vert... Je m'accrochais à ces tâches de couleur qui sautillaient sur une horizontale invisible. Il pleuvait depuis plusieurs jours à Paris et chacun poursuivait son hyperactivité affolante, s’efforçant de faire abstraction de la morosité générale. C'était pourtant la veille du week-end mais j'avais l'impression d'être tous les jours lundi. 

Je remontai ma bassine de linge en pestant dans les escaliers trop sombres de l'immeuble et me plantai devant Jérem.

« On bouge. »

Assis inconfortablement sur l'accoudoir du canapé défraîchi, il était totalement absorbé par son téléphone. Apparemment plongé dans la rédaction d'un mail urgent pour le boulot, il ne me prêta aucune attention. En deux pas, j'étais devant le placard, saisissant mon sac de yoga pour y fourrer un pull et une brosse à dent. Dans nos 23m² ridiculement agencés d'une seule pièce à tout faire, Jérémy me scruta, effrayé, détaillant mon air déterminé et ma valise bouclée.


 

 

J'avais pris ma décision quelques minutes plus tôt en humant l'effluve du linge propre. Je manquais d'air à Paris. La météo exécrable nous empêchait de vivre et pourtant le temps continuait de filer.

J'avais envie de prendre la route, de mettre les essuies-glace et le chauffage à fond dans la vieille 205 pour effacer ma mélancolie.

Mon grand brun avait compris, notant mon sourire en coin. L'idée n'était pas de se ruiner en hôtel et activités. Je voulais juste me laisser porter, déconstruire le quotidien, profiter des choses simples.

 

On passerait la nuit chez Mamie Yvette à moins d'une heure de Paris. Entre la cuisine en formica et le salon à la tapisserie fleurie, ce serait un samedi hors du temps. Je pouvais déjà sentir l'odeur indescriptible des radiateurs en fonte et entendre leurs cliquetis qui m'évoquaient un voilier dans la tourmente. Si l'on s'y appuyait par mégarde en pleine chauffe, c'était le cri de surprise assuré. Ma grand-mère s'en amusait

« C'est pour te rappeler que tu es vivante ma chérie ».

 

 

Après avoir bravé les intempéries sans se presser, nous arrivâmes devant la porte du garage en lambris chêne doré. Jérémy m'embrassa tendrement. L'averse avait cessée mais on restait gentiment enlacés dans la Peugeot comme des petits vieux fatigués.

C'était bon de ne rien faire dans le silence de nos respirations apaisées.